© Juliette Guidoni
ADAGP, all right reserved

julietteguidoni.org




Actualité

Travaux
Photographie
Installations
Vidéo


Info
Textes
Contact
CV





  Je mène des recherches au cours d’expériences solitaires, souvent collectives, au moyen de la photographie et du film. Ces expériences sont vécues  au sein d’espaces qui m’intéressent pour leurs formes et leur placement dans une marge,  quelle qu’elle soit, au sein de la société. La notion de territoire est abordée dans mon travail dans un soucis de réinventer une pratique de l’espace public qui, comme une pratique artistique, serait inhérente à l’expérience du corps d’un individu ou d’un groupe d’individus. Dans cette logique, je suis attentive aux regards et à la participation des habitants dont je me donne parfois comme objectif de départ de documenter l’environnement,  le territoire habité, notions qui traversent autant les sciences sociales qu’elles engagent un rapport, une présence au monde.(...)
Je suis à la recherche de pratiques ou de lieux qui vivent une certaine lenteur, même lorsque tout autour d’eux s’épanouit l’agitation.  Ainsi, les personnages filmés ou photographiés sont souvent eux-mêmes en posture d’observation, pris dans leur intériorité ; ou dans des espaces autres (sur les bords de route, en sieste, en mouvement vers, en haute-Montagne, etc),  dans des lieux parfois conçus et imaginés par le citoyen, l’habitant, l’humain. Je m’intéresse autant aux rapports hommes/nature qu’aux rapports des hommes entre eux, dans lequel l’individuel se conjugue avec le collectif et le commun.




En s’appropriant le paysage, les deux artistes, dans un jeu de dialogue, dans un mouvement de l’image fixe et de l’image en mouvement, nous interroge sur notre perception à observer, à regarder. Là où il ne semble rien se passer, il y a tout à voir.
- Anne Frédérique Fer, France Fine Art




L’horizon des événements est une exposition pensée par Juliette Guidoni et Chloé Mossessian. Les deux artistes pratiquent la photographie, la vidéo ou le collage et pendant dix jours, la Galerie du Crous se transforme en un long voyage. Nos yeux clignotent, s’arrêtent, parcourent. L’exposition ambitionne d’offrir au regardeur un temps de suspension – littéralement, un « temps d’arrêt ».
Le cinéma et la photographie nous invitent à une dé-familiarisation de notre conscience du temps, ce n’est pas sans résonance avec le sentiment contemporain d’une certaine accélération, donnant lieu à une véritable crise du temps. Les œuvres exposées ici sont des fenêtres sur le temps, et l’exposition toute entière se contemple, lentement. Les mouvements de caméras et ceux des deux photographes vont à rebours du temps et nous permettent d’avoir un pas de recul, de s’asseoir un instant, de prendre le temps de voir et de se demander d’où viennent ces images ?
L’expression « horizon des évènements » est employée pour la première fois au milieu des années 1950 par le physicien autrichien Wolfgang Rindler. Selon ses mots, celle-ci désigne « pour un observateur fondamental donné A, une surface dans l’espace-temps qui divise tous les événements en deux classes (...) : ceux qui ont été, sont ou seront observables par A, et ceux qui sont à jamais en dehors des possibilités d’observation de A.  Appliquée à l’image, cette idée d’une ligne de partage entre des événements perceptibles, d’une part, et imperceptibles, d’autre part, aide à formuler l’hypothèse que l’image nous demeure en partie inaccessible. Cette image d’un horizon des événements est un horizon des événements elle-même ; zone frontalière où ce que l’on perçoit échappe à chaque fois en partie à notre saisie, sorte de visualisation de la fin de la visibilité.
Une image qui nous invite à penser l’au-delà du visible - de notre visible - supposant par-là l’existence de mondes hétérogènes à notre perception, auxquels il convient de s’ouvrir au plus vite. En somme, ce qu’il faut entendre dans ce souhait d’appliquer l’idée d’« horizon des événements » à l’image, c’est une volonté que soit désormais considérée moins l’idée d’un événement dans l’image, que celle de l’image comme événement ; soit comme ce qui vient, ce qui se produit, renvoyant ainsi à ses puissances figuratives et à son « acte d’image ». Ces événements deviennent habitables et l’exposition permet d’observer ces entre-deux et ces points de jonctions que sont les images présentées. Ici, et à travers cette vision révélatrice de nouveaux espaces, les images montrent le paysage, sa contemplation et notre place en son sein. Autant de thèmes évoqués dans les travaux des artistes et préoccupant la chercheuse Marianne de Cambiaire et la commissaire Alice Narcy.

- Marianne de Cambiaire et Alice Narcy



Juliette Guidoni a une pratique de la photographie très singulière dans laquelle l’image fixe est mise à l’épreuve de la durée. L’installation « 2400 x 3600 » qu’elle a conçue pour son diplôme pourrait apparaître comme une micro-histoire de la photographie en 18 minutes et 12 images. Le titre de l’installation fait référence à l’un des formats de négatifs les plus communs, le 24x36. L’installation se compose de deux volumes dont les dimensions sont celles d’un négatif multiplié par cent, l’un horizontal et l’autre vertical, sur lesquels douze photographies argentiques préalablement scannées sont successivement projetées. Différents styles se succèdent : portrait flouté où la pellicule a été accidentée, métaphotographie où la vitre mise en abyme offre un cadrage, « instant décisif » où un enfant entre dans le champ... Ces images autonomes prises sur le vif témoignent des pérégrinations de l’artiste en Haïti comme à Paris. À travers la projection de ces images sur-dimensionnées, l’artiste nous offre une expérience de la durée : celle de la décélération qui va à l’encontre du flot d’images auquel nous soumet constamment l’écran.

- Audrey Illouz, 2400 x 3600, Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris




« En souvenir des Phantom rides et autres Panoramas du cinéma des premiers temps, associés aux moyens de locomotion modernes, on pourrait s’avancer jusqu’à dire que tout paquebot est une caméra en puissance. Vorace machine à travellings maritimes, gigantesque boitier prêt à accueillir l’impression du vague horizon sur ses multiples cadres internes, le paquebot rappelle la réversibilité caractéristique du cinématographe Lumière. Aussi bien projecteur que caméra, le cinématographe Lumière figure la poétique du voyage maritime qui plonge le passager tantôt dans la peau d’un spectateur (la mer à travers la vitre comme écran), tantôt dans la peau d’un cinéaste (chercher la chose à voir dans cet horizon bleu définitif). Dans Le voyage immobile, Juliette Guidoni place le spectateur à ce point précis où s’opère cette réversibilité : tantôt l’horizon est vu, tantôt l’horizon cherche à être vu. Il n’y a pas d’événement à proprement parler dans ces images, et cela, car c’est bien l’image elle-même qui est désignée comme l’événement. A force de chercher à capter le réel, à s’en faire une image, ne subsiste aucune possibilité d’en recevoir quelque chose. Dès lors, on comprend que le voyage immobile que nous faisons est celui d’une photographe et vidéaste en quête d’une éthique pour l’image. En effet, il ne s’agit pas de faire de l’image, soit une image que l’on constitue comme évènement, mais de faire exister cette attente qui est la condition d’apparition des images. L’événement ne serait pas l’image en elle même, mais la capacité que nous possédons ou non à laisser le réel opérer : un regard peut-être ? »
- Marianne de Cambiaire, Doctorante en études cinématographiques
LESA : Laboratoire d’étude en sciences des arts / Aix-Marseille Université - Maison de la Recherche