JULIETTE GUIDONI












Je mène des recherches au cours d’expériences solitaires ou collectives, au moyen de la photographie et du film. Je suis dans un pratique à la fois instinctive et distanciée de l’image. Ces expériences sont vécues  au sein d’espaces qui m’intéressent pour leurs formes et leur placement dans une marge,  quelle qu’elle soit, au sein de la société. La notion de territoire est abordée dans un soucis de réinventer une pratique de l’espace public qui, comme une pratique artistique, serait inhérente à l’expérience du corps d’un individu ou d’un groupe d’individus.
Dans cette logique, je suis attentive aux regards et à la participation des habitants dont je me donne comme objectif de départ de documenter l’environnement,  le territoire habité, la présence, notions qui traversent autant les sciences sociales qu’elles engagent un rapport au monde.(...)
Je suis à la recherche de pratiques ou de lieux qui vivent une certaine lenteur, même lorsque tout autour d’eux s’épanouie l’agitation.  Ainsi, les personnages filmés ou photographiés sont souvent en posture d’observation, pris dans leur intériorité ; ou dans des espaces autres ;  dans des lieux souvent conçus et imaginés par le citoyen, l’habitant, l’humain (...).          





L’horizon des événements est une exposition pensée par Juliette Guidoni et Chloé Mossessian et qui ambitionne d’offrir au regardeur un temps de suspension – littéralement, un « temps d’arrêt ». Le cinéma et la photographie nous invitent à une dé-familiarisation de notre conscience du temps, ce n’est pas sans résonance avec le sentiment contemporain d’une certaine accélération, donnant lieu à une véritable crise du temps. Les œuvres exposées ici sont des fenêtres sur le temps, et l’exposition toute entière se contemple, lentement. (...) L’expression « horizon des évènements » est employée pour la première fois au milieu des années 1950 par le physicien autrichien Wolfgang Rindler. Selon ses mots, celle-ci désigne « pour un observateur fondamental donné A, une surface dans l’espace-temps qui divise tous les événements en deux classes (...) : ceux qui ont été, sont ou seront observables par A, et ceux qui sont à jamais en dehors des possibilités d’observation de A. Appliquée à l’image, cette idée d’une ligne de partage entre des événements perceptibles, d’une part, et imperceptibles, d’autre part, aide à formuler l’hypothèse que l’image nous demeure en partie inaccessible. Cette image d’un horizon des événements est un horizon des événements elle-même ; zone frontalière où ce que l’on perçoit échappe à chaque fois en partie à notre saisie, sorte de visualisation de la fin de la visibilité. (...) En somme, ce qu’il faut entendre dans ce souhait d’appliquer l’idée d’« horizon des événements » à l’image, c’est une volonté que soit désormais considérée moins l’idée d’un événement dans l’image, que celle de l’image comme événement ; soit comme ce qui vient, ce qui se produit, renvoyant ainsi à ses puissances figuratives et à son « acte d’image. Ces événements deviennent habitables et l’exposition permet d’observer ces entre-deux et ces points de jonctions que sont les images présentées. Ici, et à travers cette vision révélatrice de nouveaux espaces, les images montrent le paysage, sa contemplation et notre place en son sein. »
Alice Narcy et Marianne de Cambiaire, mai 2022

« En s'appropriant le paysage, les deux artistes, dans un jeu de dialogue, dans un mouvement de l'image fixe et de l'image en mouvement, nous interroge sur notre perception à observer, à regarder. Là où il ne semble rien se passer, il y a tout à voir. » 
Anne Frédérique Fer, juin 2022


“Les propositions vidéos de Juliette Guidoni, photographe restent dans la continuité de ses réflexions autour de l’image et son temps décéléré. Avec leurs cadres fixes et leurs personnages immobiles, à contre-courant dans un décor du monde en perpétuel mouvement, la définition même du voyage s’inverse : dans ce temps figé, photographique, seuls les paysages se déplacent.” 
Bruno Rosier, mai 2019

« En souvenir des Phantom rides et autres Panoramas du cinéma des premiers temps, associés aux moyens de locomotion modernes, on pourrait s’avancer jusqu’à dire que tout paquebot est une caméra en puissance. Vorace machine à travellings maritimes,gigantesque boitier prêt à accueillir l’impression du vague horizon sur ses multiples cadres internes, le paquebot rappelle la réversibilité caractéristique du cinématographe Lumière. Aussi bien projecteur que caméra, le cinématographe Lumière figure la poétique du voyage maritime qui plonge le passager tantôt dans la peau d’un spectateur (la mer à travers la vitre comme écran), tantôt dans la peau d’un cinéaste (chercher la chose à voir dans cet horizon bleu définitif). Dans Le voyage immobile, Juliette Guidoni place le spectateur à ce point précis où s’opère cette réversibilité : tantôt l’horizon est vu, tantôt l’horizon cherche à être vu. Il n’y a pas d’événement à proprement parler dans ces images, et cela, car c’est bien l’image elle-même qui est désignée comme l’événement. A force de chercher à capter le réel, à s’en faire une image, ne subsiste aucune possibilité d’en recevoir quelque chose. Dès lors, on comprend que le voyage immobile que nous faisons est celui d’une photographe et vidéaste en quête d’une éthique pour l’image. En effet, il ne s’agit pas de faire de l’image, soit une image que l’on constitue comme évènement, mais de faire exister cette attente qui est la condition d’apparition des images. L’événement ne serait pas l’image en elle même, mais la capacité que nous possédons ou non à laisser le réel opérer : un regard peut-être ? »
Marianne de Cambiaire (Laboratoire d’Études en Sciences des Arts, Aix-Marseille Université, Maison de la recherche, Ecologie et cinéma : nouveaux terrains théoriques) , décembre 2021


« Juliette Guidoni a une pratique de la photographie très singulière dans laquelle l’image fixe est mise à l’épreuve de la durée. L’installation « 2400 x 3600 » qu’elle a conçue pour son diplôme pourrait apparaître comme une micro-histoire de la photographie en 18 minutes et 12 images. Le titre de l’installation fait référence à l’un des formats de négatifs les plus communs, le 24x36. L’installation se compose de deux volumes dont les dimensions sont celles d’un négatif multiplié par cent, l’un horizontal et l’autre vertical, sur lesquels douze photographies argentiques préalablement scannées sont successivement projetées. Différents styles se succèdent : portrait flouté où la pellicule a été accidentée, métaphotographie où la vitre mise en abyme offre un cadrage, « instant décisif » où un enfant entre dans le champ... Ces images autonomes prises sur le vif témoignent des pérégrinations de l’artiste en Haïti comme à Paris. À travers la projection de ces images sur-dimensionnées, l’artiste nous offre une expérience de la durée : celle de la décélération qui va à l’encontre du flot d’images auquel nous soumet constamment l’écran.» 
Audrey Illouz, décembre 2017